Vers une prévention radicale du syndrome brachycéphale canin

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Vers une prévention radicale du syndrome brachycéphale canin

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  • Chien brachycéphale de profil avec un museau court et large, portant un collier coloré, assis devant un fond flou de fleurs orange - La Prévention Médicale

Depuis le loup dont elle s’est séparée, l’espèce canine offre à considérer une incroyable diversité raciale et morphologique, résultat des manipulations (la sélection naturelle en est une !) génétiques opérées par l’espèce humaine. Les races canines brachycéphales sont celles dont le crâne est raccourci et aplati, donnant un museau court et large.

Auteur : Docteur Vétérinaire Michel BAUSSIER / MAJ : 15/09/2025

Principales races brachycéphales dans l’espèce canine

On pense d’abord à des chiens de petite taille tels que : Bouledogue français, Carlin, Boston Terrier, Pékinois, Shih Tzu, Lhassa Apso, Cavalier King Charles, Griffon de Bruxelles, Épagneul tibétain.

Mais des chiens de taille plus importante peuvent être considérés comme brachycéphales : Bouledogue anglais, Staffordshire Bull Terrier, Boxer, Shar Pei, Chow-Chow.

Même des molosses et chiens de races géantes peuvent rentrer dans cette catégorie : Mastiff, Bullmastiff, Dogue de Bordeaux…

Un syndrome obstructif

La brachycéphalie conduit à une obstruction plus ou moins importante des voies respiratoires.

Le syndrome obstructif respiratoire brachycéphale (SORB) résulte ainsi d’une combinaison d’anomalies anatomiques (nez écrasé, narines pincées, palais trop long, trachée rétrécie…). Il provoque des difficultés respiratoires chroniques, une intolérance à l’effort et des complications cardiaques ou digestives.

Chez les brachycéphales extrêmes, comme le Carlin ou le Bouledogue français, le risque de syndrome obstructif est très élevé.

Chez les brachycéphales modérés (Boxer, Cavalier), le risque existe mais est plus faible, surtout si la sélection morphologique reste raisonnable.

Pour prévenir ce syndrome, on peut agir à deux niveaux : prévention individuelle (chez un chien donné) et prévention populationnelle (élevage et sélection).

Prévention individuelle chez un chien à risque

Si le chien est déjà brachycéphale, on ne peut pas modifier sa morphologie, mais on peut réduire les risques d’aggravation :

Surveillance et dépistage précoces

  • Consultation vétérinaire spécialisée pour évaluer narines, palais et trachée dès le jeune âge.
     

Chirurgie préventive si nécessaire

  • Sténose des narines ou allongement du voile du palais peuvent être corrigés chirurgicalement dès les premiers signes.
     

Gestion du mode de vie

  • Maintien d’un poids optimal pour réduire la gêne respiratoire.
  • Éviter la chaleur et l’effort intense, surtout l’été.
  • Promener aux heures fraîches et privilégier le harnais au collier.

Prévention radicale au niveau de l’élevage

La seule vraie prévention avant la naissance consiste à réduire la production de chiens prédisposés :

Sélectionner des reproducteurs avec des critères morphologiques fonctionnels

  • Favoriser des museaux plus longs, narines ouvertes et trachée de calibre normal.
  • Éliminer de la reproduction les chiens présentant des signes cliniques (ronflements, intolérance à l’effort).

Suivre des programmes de santé spécifiques aux brachycéphales

  • Par exemple : BOAS Grading Scheme (Kennel Club/Cambridge University) qui évalue la respiration et ne recommande la reproduction qu’aux chiens de grade 0 ou 1.

Limiter la sélection sur l’hypertype

  • Éviter de privilégier en concours des sujets au museau très court et aux plis faciaux marqués, car cela entretient le problème.

Encourager les croisements correctifs

  • Dans certains pays, on promeut des croisements modérés avec des races mésocéphales pour réintroduire des traits respiratoires sains.
     

Les vétérinaires se sont mobilisés collectivement au plan mondial mais aussi en France pour lutter contre les hypertypes. Par exemple l’Association Française des Vétérinaires pour Animaux de Compagnie (AFVAC) s’est fortement mobilisée, avec le slogan "Hypertypes : l’AFVAC s’engage !". Elle écrit : "Les sujets hypertypés ne sont ni attendrissants ni "craquants", ils souffrent, toute leur vie !"

Il ne suffit plus de se satisfaire de mesures chirurgicales individuelles préventives ou curatives. Il faut agir en amont, sur les pratiques de sélection irresponsables car non respectueuses du bien-être animal.

Mesure la plus radicale

Si l’on parle de prévention radicale à l’échelle de la population, la seule solution est de ne plus faire naître de chiens dont la morphologie crée ce syndrome, c’est-à-dire cesser l’élevage des extrêmes et des races incapables de respirer correctement.

C’est d’ailleurs ce que recommandent certains pays (Pays-Bas, Norvège) qui imposent des limites légales au degré de brachycéphalie pour la reproduction. L’élevage des chiens de races brachycéphales est encadré depuis plusieurs années aux Pays-Bas. Une récente décision de justice d’un tribunal d’Amsterdam vient considérablement renforcer les interdictions d’élevage de races à risque. L’Union européenne semble vouloir légiférer en ce domaine.

On peut dire sans exagération que l’Homme a joué ici en toute fantaisie et irresponsabilité à l’apprenti sorcier. Heureusement, sous l’impulsion du corps vétérinaire mondial, il y a dans le domaine de la sélection canine un début de prise de conscience de la nécessité d’y introduire une démarche éthique, celle du bien-être animal.